Bonsoir Estelle,
c'est un avis personnel qui n'engage que moi, mais je n'ai aucun probleme avec le fait de prendre des clichés de cerfs à Richmond, Dyrehaven ou Sainte Croix, à la condition que ce soit dit et assumé. C'est parfois la seule façon de réaliser des clichés de comportement top sans générer un dérangement inacceptable si un minimum de précautions n'est pas pris et des règles de déontologies strictes ne sont pas observées..et ce ne peut malheureusement être fait que lorsque l'on connaît le terrain. Sans cela aucune chance de les leurrer, encore moins de les approcher à une distance convenable.
Il est très vrai que les clichés de cerfs en milieu naturel sont extrêmement difficiles à réaliser, et encore plus hors de la période du brame. Ce n'est certainement pas moi qui te contredirai sur ce point. Ces six dernières années j'ai eu la chance d'être là et de pouvoir m'y consacrer pleinement, tous les matins et parfois le soir..pour un piètre résultat au vu des efforts consentis et ce malgré ma connaissance de ces massifs...j'ai certes réussi quelques clichés, mais je suis très loin d'avoir réalisé toutes les merveilles que j'ai en tête....Ces clichés sont très cher, mais quel plaisir incomparable lorsque l'on en tient enfin un!
Les raisons en sont diverses et variés. les conditions sont toujours très difficiles. Même sur mon territoire, fort peu peuplé, ça se passe généralement le matin de très bonne heure entre chien et loup, souvent dans la brume, ou le soir après le coucher du soleil...Et même ici le dérangement est de plus en plus grand. Quels sont les fléaux qui guettent l’espèce sur mon "territoire"? En tout premier lieu, et c'est nouveau, la Sylviculture... Les cerfs reviennent en force et sont en pleine expansion depuis le massif des Vosges voisin. Les dégâts qu'ils commettent dans les sapinières en particulier sont maintenant jugés inacceptables, et il n'a pas fallu longtemps pour que les plans de chasses soient revue pour pallier au probleme, en partie à la demande de l'ONF. Dans le département voisin des Vosges ce sont également les associations de chasse qui s'y sont opposés, déclarant jusque dans le journal de France 2 que la forêt n'était pas qu'un lieu de business, mais aussi le biotope d'animaux qui devaient y garder leur place. C'est tout de même un sacré paradoxe de voir ça....
Nous autres, de la tribu des photographes animaliers, ne sommes malheureusement pas exempt de tout reproche. Quand je vois l'attitude de certains dans nos propres rangs, heureusement pas majoritaires, venant parfois de très loin pendant le brame. Des furieux ne respectant aucune barrière, courant derrière les cerfs au moindre brame l'APN autour du cou, parfois même en voiture, car c'est plus facile et ca va plus vite.. tout ça pour poster sur facebook le cliché flou d'un arrière train filant à l'horizon....
En 2014 j'étais là le matin ou le combat des chefs allait avoir lieux. Je l'attendais depuis un mois, après avoir fait l’effort de venir me poster tous les matins....Andrew, le grand dominant de l'époque bramait fortement sur la place, le Dédé lui répondait furieusement à quelque mètres de l'orée, les biches cavalaient partout..En deux mots c’était la guerre.....pas de brume..Là j'allais avoir le combat des chefs, et très probablement une chandelle à suivre.
..j'en tremblais....et soudain tout s’est arrêté. Au bout de quinze secondes j'ai vu dans mon objectif un hurluberlu bien mis, joli blouson en cuir marron, jeans bleu délavés bien clair, probablement bien parfumé, l'apn autour du cou sortir juste entre les deux cerfs..
..rideau, le brame s'est arrêté là cette année. Quand il s'est aperçu que la place était vide, et après avoir soulagé sa vessie, il est reparti illico à leur poursuite dans la forêt...
Je ne suis même pas sûr qu'il ai réalisé la chance qu'il a eu de ne pas se faire charger....
L'année dernière, en 2015, deux "grands pratiquants" se sont postés dans une petite haie de buisson, en plein centre de la place, au milieu de la coulée, après avoir copieusement arrangé le coin, à grand coup de sécateur et autre... Quand à la fin de la séance je leur ai expliqué gentiment qu'il ne fallait pas se poster là, et pourquoi, ils m'ont rigolé au nez... Ils se réclamaient de telle ou telle association prestigieuse, avaient des photos sélectionnées dans tel ou tel festival.. Ils savaient ce qu'ils faisaient, eux! Pour qui me prenais je, moi, pauvre plouc local, pour avoir la prétention de leur expliquer quoi que ce soit....j'aurais sans nul doute mieux fait de leur demander une leçon de photos.... Après trois ou quatre jours à contempler une place déserte, les cartes CF restant desesperement vides, ils ont finis par partir, l'endroit n'étant pas assez bien pour eux... Les animaux sont revenus peu après pour mon plus grand bonheur..
Que dire du comportement d'un "officiel" , grand pisteur comanche, se vantant d'approcher les cerfs à moins de 10 mètres et surtout grand photographe de son état, qui n'a rien trouvé de mieux que d'aller indiquer lors d'une interview à un journal local tous les emplacements et dates où il avait pris ses clichés, en échange d'un (tout) petit moment de gloire..
l'année suivante le coin était envahi de paparazzis....et on y voit plus beaucoup de cerfs depuis...
Ce n'est fort heureusement pas une généralité, mais même ici, au pied des Vosges, un coin pourtant sauvage à souhait, le dérangement des animaux est perceptible. Cela est même en train de conduire à la mort lente d'une des places que je fréquente, ou le brame s'étiole d'années en années, à ma grande tristesse...
Et quand arrive la période des mues on prend les mêmes et on recommence....C'est l'une des principales raisons pour lesquelles je n'ai pas réussi à photographier un cerf venant de perdre ses bois l'année dernière, mais cela ne m'empechera pas de reessayer cette année...
Cependant la nature appartient à tout le monde, et je ne suis certainement pas exempt de reproche non plus, ayant certainement été perçu de temps en temps par les animaux, mais on se doit au moins d'essayer de minimiser au possible le dérangement, tout au moins d'en avoir conscience. Fort heureusement l'espèce étant en expansion d'autres places se créent . Ils sont maintenant de retour dans les grands massifs qui m'entourent, là ou ils bramaient en force il y a une centaine d'année. Tout n'est donc pas négatif, loin de là, et même si il me faudra quelques années avant d'obtenir les clichés dont je rêve quel plaisir je vais avoir à suivre cette renaissance juste à mes portes...
Il est clair que si on ne dispose pas du temps nécessaire, et d'un lieu à proximité, photographier des cerfs en pleine nature est malheureusement une gageur. Mais ce n'est pas pour autant que le plaisir de le faire doit vous être interdit. Richmond, Dyrehaven ou même sainte croix, encore plus près, sont des lieux conçus pour vous permettre de vivre vous aussi ce moment magique dans de bonnes conditions, et de vous donner (pourquoi pas?) l'envie plus tard d'investir le temps nécessaire à aller les rencontrer pour de vrai, au plus profond de la forêt.. Et ce jour là, lorsque vous tiendrez votre premier cliché, même si l'image en elle même est parfois moins spectaculaire, je ne peux vous décrire la saveur extraordinaire qu'il aura!
En attendant je suivrai ce fil et vos images des beaux cerfs de Richmond avec beaucoup de plaisir, faites moi rêver avec vos clichés! donnez moi des idées à aller chercher au plus profond de ma forêt Franc Comtoise!