Voila trop longtemps que je repousse l'écriture de ce carnet de voyage, toujours occupé, sur la brèche. Il est grand temps d’enfin m’y mettre et d'honorer une promesse faite à Patrice et Bernard un soir d’octobre 2022 à Montier. Un petit tour dans le parc national de Yellowstone, ça vous tente ? alors c’est parti…
Ceux qui me connaissent le savent. Bien que j’aie passé une partie de ma vie en Afrique de l’Ouest, du Sénégal à l’Afrique du sud je suis un photographe du froid, passionné par la faune du Nord, de la toundra à la taïga en passant par nos forêts européennes. Cerfs, élans, ours et loups sont mes sujets fétiches. Yellowstone, le royaume du Loup gris, a toujours été une destination mythique à mes yeux sur laquelle j’ai travaillé pendant des mois, des années. L’hiver y est la saison du loup, ou il est un peu plus accessible que d’ordinaire, dans la vallée de Lamar. Mais avec l’hiver le plus froid des 52 états américains, hormis l’Alaska, et des températures pouvant descendre en dessous de -30°C un tel voyage ne s’improvise pas et demande un grand degré de préparation. Surtout il était essentiel d’explorer les lieux, et la vallée de Lamar en particulier par des conditions météo raisonnables, avant d’y revenir croquer le loup en hiver, lorsque le froid mordant oblige les grands troupeaux de bison et de cerfs à redescendre dans les vallées, suivis de près par les prédateurs.
# 1 Plan du Parc National de Yellowstone
Une centaine de loups répartis sur un territoire plus grand que la Corse traversé par une unique route, la Great loop road.. Il y a du challenge dans l’air et peu de chances si l’on compte uniquement sur sa bonne fortune.
Pour ce premier voyage d’exploration nous savons que les chances de rencontrer le loup sont minces. Le choix s'est porté sur la première quinzaine d’octobre, pendant le brame du Wapiti, ce qui permettra de bénéficier de conditions météo raisonnables et d’explorer les lieux. L’épidémie de Covid nous obligera à remettre à plusieurs reprises le voyage, mais en cet Automne 2022 ça y est, tout est fin prêt. Comme d’habitude, nous n’utilisons pas les services d’agences de voyage et préparons l’intégralité du voyage par nous-même : Ce sera un vol Paris - Salt Lake City, dans l’Utah, puis le road trip jusqu’à Cook city, dans le Wyoming, la porte Nord Est de Yellowstone au travers de l’Utah, l’Idaho et le Montana.
Une semaine avant le départ, à la fin septembre, catastrophe: L’hôtel nous contact par e-mail et nous apprend que suite aux terribles inondations survenues fin aout la route reliant Cook City à Gardiner qui traverse le nord de Yellowstone est totalement impraticable, coupée en plus de 7 endroits. Il est impossible d’accéder au parc depuis la Silver Gate. Les hôtels de Cook City ferment tous leurs portes en avance les uns après les autres, avant la date officielle de fermeture du parc, le 1er Novembre. Seule cette route reliant Cook city à Gardiner reste normalement ouverte toute l'année, même durant l’hiver. Elle est fermée jusqu'a la fin des travaux de réhabilitation isolant la valée de Lamar du reste du monde.
Le petit moment de solitude et de panique passé, nous réagissons et arrivons
in extremis à nous relocaliser sur West Yellowstone dans le Montana, la porte Ouest du parc et à trouver un nouvel hébergement. Avec juste une petite semaine de préavis nous avons eu chaud mais cette année ça y est, nous allons enfin découvrir ce lieu mythique tant et tant de fois rêvé et vu dans les reportages du National géo…
Le départ est fixé au 3 octobre. Après un vol fort agréable au-dessus de l’Atlantique Nord et du Groenland nous voilà dans l’Utah, à Salt Lake City. Le voyage commence bien : le loueur de voiture décide de nous surclasser et nous confie une jeep Wranglers dernier cri. Le road trip dans les grandes plaines en Jeep… qui dit mieux…
Après un arrêt d’une nuit à Pocatello, dans l’Idaho, nous atteignons enfin West Yellowstone dans l’après-midi du 4 octobre. Notre « cabine » est fort agréable et constituera un chouette camp de base pour les dix prochains jours.
West Yellowstone est une petite ville très typique et sympa, hors du temps. On s’attend à tout moment à voir passer une bande de guerriers Shoshone poursuivi par la cavalerie… Le temps de déballer tout le matériel, d’affuter les objectifs il est l’heure de dormir. Enfin, avec 8 heures de décalage horaire, pour ce qui est de l'heure nous ne savons plus très bien où nous en sommes… On tombe vite de sommeil en sachant que "demain l’aventure commence"…
Après un réveil à 5h00 du matin nous voila partis à la pointe du jour par un froid glacial, -8°c. Les appareils sont fin prêts, sur la banquette arrière, et dès la porte du parc franchie la traque et l’émerveillement commencent. La route longe les berges de la Madison River en s’enfonçant toujours plus profondément dans le parc, jusqu’au carrefour de Madison. Nous y croisons nos tous premiers bisons des plaines nord-américains, figés dans la brume laiteuse et glaciale de l’aube. La Madison, abreuvée par de nombreux ruisseaux d’eau chaude volcanique, fume, créant un paysage incroyable où les silhouettes fantomatiques des bisons couchés se devinent dans la brume…
Le premier cliché sera celui d’un bison rencontré le long de la rivière Gibons, se réchauffant au bord de mares volcaniques dans le froid glacial de ce premier matin dans le parc…
#2 Bison des plaines d'amérique du Nord, Gibons meadows
D'autres bisons suivent rapidement, couchés dans les plaines verglassées de Gibons.
#3 Bison des plaines couché
Puis se sera la première rencontre avec le Wapiti, le grand cerf nord américain, en pleine période de brame.
#4 Wapiti en train de bramer
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Gibons Meadows, Willow Park, Indian River, Swan Lake... des noms évocateurs que j'ai tant de fois vus sur les cartes... plus nous nous enfonçons dans le parc plus les paysages sont magiques. Soudain l’unique voiture nous précédant freine et s’immobilise. A ma grande surprise deux loups surgissent et traversent la route juste devant elle, puis s’enfoncent et disparaissent dans le bush de la plaine… A contre-jour et tellement rapides que je n’ai même pas eu le temps d’attraper l’appareil… Nous nous arrêtons quelques mètres plus loin, encore tout excités par la rencontre et dépités par ce magnifique fiasco côté photos… Si tu veux ramener des clichés sympas, va falloir rehausser le niveau, me dis-je intérieurement... Nous nous remettons de nos émotions, nous reconcentrons et scrutons attentivement l’immensité qui nous entoure. Trois loups sont restés de l’autre côté de la route, à l’orée de la forêt et commencent à hurler. Nous arrivons tant bien que mal à les repérer dans les jumelles, à environ 900 mètres si j’en crois le télémètre. Nous commençons à nous approcher doucement. Malheureusement nous ne sommes plus seuls. D’autres visiteurs se sont arrêtés et commencent à nous suivre. Nous décidons d’arrêter l’approche pour ne pas être suivis par un troupeau de paparazzis bruyants et déranger les loups. Je n’aurai pas cette fois le portrait dont je rêvais, mais Swan Lake m’offre tout de même quelques belles images, mes toutes premières de loup en pleine nature, et près d’une demie-heure d’un concert de hurlements. Entendre des loups en pleine nature est une expérience irréelle et fantastique... hautement addictive...
#5 Loups gris du Canada en train de hurler
Après trois heures seulement dans Yellowstone, côté photo ce n’est pas encore ça, mais côté rencontre en revanche…